Effacé !

Généralement c'est un simple trait de caractère, la définition usuelle du dictionnaire. Effacé: timide, discret, ... qui passe inaperçu dans les soirées cocktails.

Mais on peut aussi éprouver la sensation d'avoir réellement été effacé, gommé, d'avoir totalement disparu, d'être devenu transparent, parfaitement invisible, de laisser passer la lumière et de n'émettre aucune odeur. D'être absent.

 

C'était vendredi dernier. J'étais assis dans le creux d'une ondulation du terrain, sous les vernes, l'appareil photo était posé sur une bosse, le filet de camouflage faisait écran.

C'est d'abord un chamois qui est monté droit sur moi. Je ne l'ai pas vu arriver. Enfin, je l'ai vu alors qu'il était déjà à 10 ou 15 mètres de moi et il grimpait dans ma direction, tête baissée. Appareil photo braqué à l'opposé, inutilisable dans l'immédiat. Je baisse la tête et surveille l'animal du coin de l'œil. Arrivé à 4 mètres de moi, il repère tout de même "quelque chose", mais ne m'identifie pas comme un être humain, ma présence le trouble mais ne le dérange pas outre mesure, il est juste intrigué. Il stoppe, fait quelques pas, s'immobilise à ma hauteur, juste devant l'objectif, il me donne 2 secondes pour lui tirer le portrait, me contourne, s'engage sur la droite, fait demi-tour et repart vers la gauche, s'arrête sur une petite croupe à 10-12 mètres, et disparaît.
Quelques dizaines de minutes plus tard, c'est une biche qui surgit du bosquet devant moi, et traverse la pente d'herbe, droit sur moi elle aussi. Il ne manque pas grand chose pour l'avoir dans l'objectif, quelques degrés vers la gauche, tout doucement ... mais elle repère le mouvement et détale au galop.

Après un moment, je décide de changer d'emplacement. Je ne vais pas bien loin, je descends simplement trente ou quarante mètres et m'installe derrière un gros bouquet de myrtilliers.

Un chamois se pointe, peut-être le même que tout à l'heure car il se méfie. Je suis bien camouflé et complètement immobile, mais il m'a senti, et repart dans les fourrés. Arrive la première des "biches du soir": elle remonte la pente, tête haute et le pas "altier" (je ne sais pas comment disent les cavaliers mais on dirait un cheval en parade), elle semble vouloir monter encore mais soudain elle bifurque dans ma direction et accélère, au trot puis au galop. Elle aussi s'arrête à 5 ou 6 mètres pour le portrait en gros plan, et repart. Pour la petite histoire, c'est une deuxième biche qui semble l'avoir bloquée dans la pente et "poussée" vers moi.

Le photorama ci-dessous commence par des images prises par la caméra automatique, posée dans la forêt face à un arbre mort qui présente un joli trou, visiblement récent, et des copeaux de bonne taille jonchent le sol. J'ai laissé la caméra 3 semaines. Et il est venu ! Encore un nouvel oiseau. Celui-là, je sais depuis longtemps qu'il habite cette forêt, j'entends son cri chaque fois que j'y passe. Je l'ai même aperçu aux jumelles parfois. C'est un oiseau excessivement difficile à photographier de manière classique, particulièrement méfiant et "intolérant", certains photographes experts (Julien Arbez, Jérémy Nourrisson, Simone Sanmartino, Marc Albrecht) parviennent à le photographier à la loge, lorsqu'il ravitaille les oisillons. Dans la famille des Picidae (les pics), il est le plus grand: c'est le pic noir, reconnaissable à sa calotte rouge sur le crâne (plus grande chez le mâle).

Ensuite, la martre est passée, une fois avec une proie dans la gueule.

Dernière photo "automatique": une réelle œuvre d'art dans la mesure où elle est parfaitement involontaire, de plus on y voit le photographe photographié ! J'ai simplement posé la caméra au sol pendant que je rangeais quelques affaires dans le sac, et voilà mon portrait, à contre jour sur fond de grand feuillus (des hêtres je crois ?).

Ensuite vient la série des portraits du chamois et de la biche. Sur l'une des photos, vous noterez un gros point blanc devant le chamois (assez inesthétique), il s'agit d'un papillon. Là il me faut présenter le livre de Erri De Luca: Le poids du Papillon: un roman de 80 pages écrit comme une nouvelle. Ceux qui le souhaitent peuvent visionner cette courte vidéo (5 minutes): attention, comme la plupart des montagnards, Erri de Luca ne sait pas vraiment "se vendre" (son éditeur doit être en rage !!).

"Le Poids du Papillon"
"Le Poids du Papillon"

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Commentaires: 1
  • #1

    Chris (mercredi, 24 juin 2020 23:21)

    Superbes photos, et toujours aussi bien ecrit mon Spire, plaisir a te lire.

Je ne suis pas un photographe professionnel. J'ai un métier que j'exerce à temps complet. Je suis simplement un "photographe randonneur" passionné de montagne et de nature, la photographie est un loisir que je pratique pendant mon temps libre, en pur amateur. Photographier des animaux sauvages exige de passer beaucoup de temps sur le terrain.

 

Néanmoins je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et à vos demandes aussi rapidement que je le pourrai. N'hésitez pas à me contacter:

 

lemonde.denhaut@mail.fr

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