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Le Grand Tour des Cerces

Trail de Serre Chevalier ou "Serre Che Trail"

12 heures de course, en comptant l'échauffement, c'est un peu long, mais finalement c'est passé assez vite ! J'espère qu'il en sera de même pour la lecture de cet article !

Une course en montagne d'une telle longueur, ce n'est pas comme un 10 km qu'on boucle en moins d'une heure. Ça démarre longtemps avant le coup de pistolet. Cette année 2020 a été un peu spéciale, d'abord à cause d'un hiver marqué par de forts redoux: à Notre Dame de la Gorge, la voie romaine était à 80 % en glace au 24 janvier ! Le 24 février, ça ne passait plus à ski sur la partie basse, et le 29 février: tempête de foehn. Donc début mars, j'avais déjà presque rangé les skis ! Mais j'avais tout de même réussi à enchaîner une fois le triptyque Fenêtre-Cicle-Bonhomme. 

Bien sûr ensuite est arrivé le confinement ! Pas de sortie longue pendant deux mois ! Bon, j'ai essayé de m'adapter: j'ai mis le vélo sur le "rouleau" et je me suis tapé une heure de "fractionné sur place" sous le préau. J'ai fait ça UNE fois ! Ensuite j'ai fait comme tout le monde: des sorties de hamster à tourner en rond autour de mon quartier, à sprinter dans les côtes (presque comme un jeune !!). Bref, que des séances d'entrainement que je n'aurais jamais faites sans ce confinement !

Évidemment, à la "libération" ... le lundi 11 mai, j'ai posé un jour de congé, et je suis allé hurler ma joie sur les sentiers ! Le 21 mai: première sortie longue: 30 km, 5h, et 2400 D+. Ensuite il y a eu la période des affûts photo aux biches (avec le gros sac bien lourd). Puis comme j'ai tenté l'inscription au TAR (Trail des Aiguilles Rouges), je suis allé plusieurs fois reconnaître et "apprendre" la fin du parcours, c'est à dire la montée au Prarion, que je ne connaissais pas. En juin et juillet j'ai accumulé plusieurs séances à + de 30 km et + de 2000 D+, dont un Tour des Fiz "off" avec les amis Delphine, Stéphanie et Seb.
Enfin: les vacances: une semaine à Arêches-Beaufort: 4 belles randonnées avec Paul L. (dont le Grand Mont et la Pointe de la Terrasse), ET une montée en solo et à fond du col du Pré (le Défi de François) en 38', une semaine à Salon (2 petites sorties footing matinales en colline). Troisième semaine dans le Queyras à Abriès: d'abord le KV du coin: 56'05 pour 1000 D+, puis 3 grosses sorties de 40, 34 et 30 km, réparties sur 4 jours.

 

Après ça, de retour à Passy, je me suis inscrit au Challenge "UTMB virtuel" Compressport "Go as high as you can": un défi consistant à accumuler le + gros dénivelé possible sur une période de 9 jours. J'ai commencé par un sommet qui me faisait de l'œil depuis longtemps: l'Aiguille de la Bérangère (3425 m). On y était passé il y a plusieurs années avec Seb et Jean Louis, en rentrant des Dômes de Miage. Très belle balade. Vue magnifique sur la haute montagne, j'ai adoré. Mais balade difficile: au dessus du refuge de Tré la Tête et jusqu'au refuge des Conscrits, le sentier est très technique, il y a des cordes parfois, un pont népalais, et il est compliqué d'y courir, à la montée comme à la descente. Au-dessus des Conscrits, il n'y a plus de sentier, il faut suivre les cairns qui jalonnent les "dos de baleines", ces rochers polis par le glacier. Autant dire que la progression n'est pas très rapide, même si quelques névés facilitent un peu la descente. Donc une sortie bien longue, cassante, et qui m'a pris beaucoup de temps, raccourcissant d'autant mon temps de récupération !

Le lendemain dimanche: montée Chamonix - Col du Brévent, c'est court, c'est rapide. Le soir je cumule 3800 D+. Je consulte le classement provisoire et là, surprise: je suis sur le podium ! Incroyable. Du coup, je me prends au jeu et le lundi soir après le boulot j'ajoute 1100 m. Et encore 1800 m le mardi après midi, en montant au col de Portette depuis chez moi. Le mercredi je suis cuit: repos (au boulot). Mais je prends un jour de congé pour le jeudi et j'enchaîne un Montenvers + Signal Forbes + descente de l'alpage de Blaitière + Plan de l'Aiguille: 2000 D+. Mais ce n'est pas suffisant et je glisse vers le bas du classement provisoire. En effet des noms commencent à apparaître comme Patrick Frei qui a couru l'UTMB en 26h04 ... clairement le niveau s'élève, il devient évident que je ne fais pas le poids. Si je continue je risque la blessure. Je me repose donc deux jours avant de m'envoyer une jolie boucle "plaisir" autour du Mt Vorassay, avec une montée du col de Tricot en moins de 30 minutes, soit une vitesse ascensionnelle de 1095 m/h.

Au final, je me classe tout de même à la 10ème place de ce "défi D+" avec un total de 9700 D+ en 6 séances ! (soit à peine la moitié de ce qu'il aurait fallu pour monter sur le podium, en fin de compte totalement inatteignable pour moi).

Enfin, j'ai passé les trois dernières semaines à faire des séances plus courtes mais plus intenses, j'ai amélioré quelques "records personnels" sur certaines sections courtes, aussi bien en côte (une montée de 550 m à 23%, 126 D+ à 1600 m/h) qu'en descente. La toute dernière semaine a été consacrée à la récupération et à l'affûtage (= repos pour faire du jus): une seule petite sortie tranquille de 45 minutes le mercredi.

Au total depuis le début de l'année 2020, je cumule presque 1000 km et 70 000 m de D+.

Le samedi, veille de la course, j'arrive donc au Monêtier Les Bains (près de Briançon) avec un capital confiance plutôt bon. Mes supportrices, Véronique et Endy La Truffe sont là, je suis gonflé à bloc.

Dimanche, réveil à 3h50. Le départ est à 6h. Petit-déjeuner assez copieux, préparation du sac (des poches à eau surtout), ne pas oublier la fameuse batterie de rechange pour la frontale, qui est inscrite sur la liste du matériel obligatoire malgré une heure de course maxi en nocturne (entre 6h et 7h), à 50 € la batterie merci !! surtout que rien ne sera vérifié !! L'habillage est toujours délicat lorsqu'on part à 6h du matin à 1400 m d'altitude, en sachant que dès 10h il fera très chaud. En fait il ne fait même pas vraiment frais, une petite veste légère suffit largement. La grosse veste pour l'orage est dans le sac où elle restera toute la journée.

5h50 sur la zone de départ: Véronique photographie Dark Vador: avec le masque sombre, la buée sur les lunettes qui réfléchissent la lumière des projecteurs et les flasques à tétine allongée, je ressemble à un guerrier de l'espace !

6h00, top chrono, c'est parti. Avec la buée sur les lunettes, je distingue à peine le sol. Sur le goudron ça peut aller, mais dès la sortie du village et les premiers cailloux, je n'ai pas d'autre choix que d'ôter le masque, après 8 minutes de course environ, alors que tous les autres coureurs autour de moi respirent à l'air libre depuis 5 bonnes minutes.

Les premiers cailloux: le 1er kilomètre est derrière nous, la pente est là, les bâtons sont sortis, ça y est la course est lancée ! Grave erreur, le premier col n'est qu'un apéritif, la course, la vraie, ne commence pas avant le 30ème kilomètre. Tout le monde le sait. Tout le monde ... sauf ... devinez qui !!!

Hé bien oui, je trouve que ça lambine, ça n'avance pas, il y en a même qui discutent !! Du coup je double, je double ... et au bout de 15 minutes de course, le cardio est à 170 BPM (zone rouge) ! Je m'en aperçois, je lève un peu le pied et à la demi-heure de course je passe en zone jaune (< 164) ce qui est encore trop élevé. En théorie ce qui serait bien c'est d'être dans le vert (< 146). Sur les 40 premières minutes, je grimpe à presque 900 m/h, c'est trop, même si le chemin dénivelle bien. Aujourd'hui (mardi), j'ai toutes les données, chiffres, distance, D+ ... et les chiffres parlent, mais sur le terrain aussi je sentais très bien que j'allais trop vite, j'étais un peu essoufflé, mais les jambes tournaient très bien, très très bien même, c'était un vrai plaisir et je m'éclatais vraiment, d'autant que je profitais tout de même du spectacle du lever du soleil qui faisait rosir les glaciers de la Montagne des Agneaux et la Barre des Écrins. Après ces 600 m D+ trop vite avalés, arrive une section en faux plat descendant, sur un petit sentier monotrace, assez roulant. Donc là, plus question de doubler ! Je suis le rythme des gars de devant, sans forcer, ceux de derrière ne poussent pas, tout baigne. Même si c'est quand même encore trop rapide pour pouvoir continuer longtemps. A un moment, il faudra bien que ça ralentisse ! (comme dirait le Donald !!). Le problème c'est QUI décide de ralentir: moi ? ou bien mes jambes ??

Je passe au point coté 2177 m. C'est mon premier pointage. Je m'étais fait un petit tableau avec mes temps de passage "espérés" à différents endroits, en fonction du D+ et de la distance donnés par l'organisation de la course, via le site Trace de Trail. Et donc, ce point coté 2177, situé au carrefour avec le GR50, au lieu dit le Clos de la Selle, peu avant de franchir le torrent de Chardoussier, est situé 4,6 km après le départ, 723 m plus haut. Et j'avais "prévu" d'y passer en 55'. Et j'y suis passé avec 2' d'avance. Deux minutes ce n'est pas beaucoup, mais les données de la montre n'indiquent pas 4,6 km mais 5,3 km soit 700 m de plus. Bien sûr, tous ces chiffres ne servent qu'à une petite analyse d'après course. Sur le terrain il est impossible d'avoir toutes ces données en tête. Le seul chiffre que j'ai retenu c'est le temps espéré à l'arrivée: 10h. Je sais que c'est très optimiste, et surtout, je n'ai aucune idée de l'état des sentiers: seront-ils roulants ou cassants ? On verra bien.

Juste après être passé sous le Pervou, l'itinéraire quitte le GR50 pour grimper à droite une jolie combe assez raide. Le sentier grimpe en lacets. Je m'arrête sur le côté pour ranger la frontale et le bonnet léger que je remplace par le bob. Il est 7h du matin, nous sommes encore à l'ombre, mais le bob a pour principale fonction de retenir la transpiration et de l'empêcher de couler dans les yeux ! Cette combe est vraiment super jolie, j'adore l'ambiance du tout petit matin. On débouche sur un replat au pied de l'Aiguillette du Lauzet dont on longe le versant Est. Quelques pas un peu techniques sur de gros rochers cassent un peu l'allure, mais devant moi ça repart en courant, "aussi sec", même les filles ! Je pensais pouvoir enfin enclencher le mode diesel ... et bien c'est raté ! On arrive au col de l'Aiguillette, 2537 m. Un coup d'œil à gauche: je distingue au loin (à 8 km de distance) la route du Galibier, au niveau du vallon de la Valloirette. Encore 180 D+ à grimper et c'est l'arrivée au Chardonnet, premier sommet de la journée, 2717 m. Il est 7h50, enfin le soleil !! 1h50 de course, 1360 D+, et j'ai toujours mes deux minutes d'avance sur l'horaire prévu. Par contre, la montre indique 10,8 km au lieu des 9,3 indiqués par les organisateurs. Même si le GPS de la montre s'est un peu égaré au pied de la combe, 1,5 km d'écart sur 10 bornes, ça fait une erreur de 15% !

Après le sommet, logiquement, ça descend. D'habitude, en tous cas l'an dernier, la descente c'était mon gros point faible. Et comme je m'y attendais, je me fais doubler, je perds des places, mais pas trop, même si je suis réellement impressionné par la vitesse de certains coureurs. Cette première descente ne m'a pas laissé de grands souvenirs, elle est passée relativement vite: 35'.

Arrivée au refuge du Chardonnet en 2h25, cette fois j'ai 5' de retard sur l'horaire prévu, mais les données GPS de la montre donnent 16 km au lieu des 13,6 annoncées. On est largement au-dessus des 15% d'erreur !
Bien sûr, je remets le masque, et bien sûr, la buée envahit mes lunettes. Mes flasques sont encore à moitié pleines, donc je ne prends pas d'eau, je bois seulement un petit gobelet. Je me pose quelques minutes sur un rocher le temps d'avaler deux TUCS, deux morceaux de banane, du chocolat, et c'est reparti. A peine 6' d'arrêt.

La remise en route est un peu laborieuse: après la descente, il faut reprendre le rythme de la montée. J'ai l'habitude, je sais qu'il me faut toujours une dizaine de minutes pour "remettre les jambes dans le bon sens". Cette montée au col de Roche Noire présente un profil très progressif: on démarre bien gentiment par du faux plat, et après le lieu dit Le Raisin, les courbes de niveau se resserrent et on entre dans le pentu ! Cette fois tous les coureurs sont bien espacés et je grimpe réellement à MON rythme. Je rattrape et double deux ou trois coureurs, pas plus. Au col, un accordéoniste en grande tenue (peut-être savoyarde ??) avec cape et béret, donne un tempo assez soutenu. Sur les 200 D+ bien raides de la fin de ce col, d'après les données de la montre, interprétées par Strava (souvent de manière plutôt flatteuse), je monte à un bon 1000 m/h (900 est sûrement + près de la vérité). Les sensations sont bonnes et je passe le col en dansant au rythme des flonflons, vraiment un super bon moment. Ce col est à 2693 m et il est relativement "alpin": l'arête est assez fine et en 2 ou 3 pas on bascule sur l'autre versant, le décor environnant est bien escarpé, j'adore ça ! Il est à peine plus de 9h, et l'autre versant (sud) commence à prendre le soleil. Je stoppe donc quelques instants pour changer de lunettes !

Par rapport à l'horaire "prévu à la maison" j'ai 5' minutes d'avance, et la montre affiche 3 km de trop (19,2 au lieu de 16,3 soit toujours 15% d'erreur).

Descente du col de Roche Noire: assez raide, mais courte, et pas du tout technique (ouf !). Le vallon de la Moulette est en herbe et en pente douce. J'en profite pour avaler quelques bouchées d'une barre (sucrée ou salée je ne sais plus).

Cliquez sur l'image

Dans mon esprit la suite doit être très roulante, ce doit être une piste carrossable. Erreur !! J'avais lu la carte trop vite ! Environ 200 m au-dessus de la piste carrossable, il y a une sente, qui décrit exactement le même arc de cercle autour de la crête de Tête Noire. Évidemment le trail passe par la sente, pas par la piste carrossable ! Du coup, c'est moins roulant qu'espéré, et je me fais doubler (enrhumer devrais-je dire) par toute une colonne de coureurs bien groupés et très fringants à mes yeux, mais cette section de faux plat passe quand même pas si mal, et j'arrive au col de Buffère (2427 m) pile dans le temps escompté: 3h58 ! (Mais avec 25 km à la montre au lieu de 21,3).

 

La descente de l'autre côté débute "bizarrement". Ce col est très large, avec une grosse piste carrossable, c'est un col d'alpage qui contraste très violemment dans ma tête avec le profil alpin que j'avais adoré moins d'une heure avant. Je me fais rattraper par des coureurs qui me semblent avancer à une vitesse folle. Pendant quelques minutes, visiblement (vu depuis la maison, avec deux jours de recul) je ne suis plus "dedans", je suis déconcentré, et ça ne loupe pas: le début de la descente est un tout petit peu technique avec de gros cailloux: je trébuche et manque de m'étaler. Bon, je reprends les fondamentaux, regarde loin devant, choisis la trajectoire la plus simple, et déroule en souplesse. Après ce court passage un peu raide et piégeux pour moi, je retrouve un sentier roulant, souple, en faux plat descendant. J'ai juste devant moi un gars qui vient de me doubler alors que je l'avais déposé une heure avant dans la partie raide sous le col de Roche Noire. Maintenant il court plutôt pas mal du tout. "Aussi sec", je saute dans sa roue et ne le lâche pas d'une semelle, jusqu'au refuge de Buffère. Ravito n°2, masque, buée. Je fais remplir mes deux flasques (Meltonic), bois un ou deux gobelets de St Yorre, mange ma barquette habituelle (3 TUCS, banane, chocolat) tout en tapant une petite causette avec un randonneur. Je suis étonné de voir de nombreux coureurs et coureuses qui ne s'arrêtent que quelques dizaines de secondes pour remplir leurs flasques, attraper une barquette et repartir aussitôt. Moi par contre je n'ai pas vu le temps passer: j'y suis resté 20 minutes !! Une éternité ! J'étais arrivé pile à l'heure, je repars avec 10' de retard sur l'horaire prévu (1ère claque au chrono !), la montre indique 28 km au lieu de 24,5, une certaine fatigue commence à se faire sentir, ce qui est assez normal après 4h30 de course et 2000 D+.

Je finis donc par repartir de ce ravito n°2. Et là, "quand ça change, ça change" ! Heureusement, avec les Tontons Flingueurs, il y a longtemps que j'ai appris "qu'il faut jamais se laisser démonter" !

Bien, donc voilà, jusqu'ici le terrain était plutôt bien roulant. Et bien c'est fini. Terminé. Maintenant c'est Diên Biên Phu ! C'est plat (presque) mais il y a des pierres dans tous les sens, des myrtilliers, des branches partout ... ne manquent que les anacondas ! Et ça dure pendant 2,5 km: 2ème claque au chrono !

Je franchis une rivière, et là un petit groupe se forme, on doit être 4 ou 5, peut-être 6. Le sentier monte à nouveau. Le fait d'être en petit groupe donne une motivation, je m'accroche. Au replat du lac de Cristol je marche en 2ème position, et puis je ne sais plus comment, je me retrouve en tête, je mène un train à peu près correct, le chemin dénivelle un petit peu mais pas trop, je m'applique à faire des petits pas, mais sur un tempo assez dynamique. Du coup ça avance encore pas trop mal. J'arrive à la porte de Cristol avec 22' de retard par rapport au timing prévu, et 5 km de trop à la montre (35 au lieu de 30 donc toujours environ 15 % d'erreur). Cette Porte de Cristol, d'après les données organisateurs, c'est le 30ème kilomètre et 2520 D+, donc à cet endroit, on peut dire qu'on a dépassé la mi-parcours ! J'y passe en 5h55.

Encore une petite butte à grimper, un sentier roulant en faux plat descendant, un virage, et, miracle, j'entends la darbouka de Véronique ! Physiquement, ce n'est rien, ça ne met pas d'essence dans le réservoir, ça ne relaxe pas les muscles, ça ne refroidit pas le moteur, ça ne réhydrate pas, ça n'apporte pas de sels minéraux, zéro protéine, glycogène nada, RIEN ! Mais qu'est ce que ça fait du bien ! Les jambes deviennent légères, les difficultés s'effacent, tout devient facile !

100 mètres après Véronique (et La truffe qui roupille !!), il y a le ravito n°3, au col du Granon (2404 m). J'y reste 13', j'en repars avec 33' de retard et la montre a 5,5 km de trop !

A partir de là le sentier suit plus ou moins la ligne de crêtes jusqu'à la Grande (2645 m) puis la Petite Peyrolle. On s'éloigne donc de l'arrivée, pendant 4,5 km, avant de faire demi-tour et de revenir en direction du Granon. Et bien ces 4,5 km sont interminables. Au sommet de chaque bosse, on croit que c'est la dernière, surtout lorsqu'il y a une grosse croix au sommet de la bosse ! Et en fait, NON, ça continue ! En fait c'est très simple, le demi-tour, c'est seulement lorsqu'on arrive à l'aplomb de Briançon. Et Briançon - Le Monêtier, c'est 18,5 km, par la route !!

Bon, la batterie de la montre a rendu l'âme avant la Grande Peyrolle, donc plus aucune donnée de distance. Par contre j'avais un autre petit gadget qui a continué d'enregistrer ma fréquence cardiaque.

Donc je l'avoue, sur cette ligne de crête, pourtant certainement très esthétique, et bien j'ai très peu profité du paysage. Ce n'est pas que c'était très dur sur le plan physique. C'est surtout sur le plan mental que les choses devenaient compliquées. J'avais bien conscience que je ne tiendrai pas mon objectif de boucler la course en 10 heures et je subissais une petite baisse de motivation. Sur ce sentier en faux plat, donc jamais vraiment difficile, il faudrait tenter de relancer, mais le moral n'y étant plus, et le physique n'y étant plus beaucoup non plus, je me suis contenté de marcher en avalant une barre et un gel. Ce qui m'a permis de tenir le coup dans un premier temps, puis de faire une assez bonne descente, de la Petite Peyrolle jusqu'aux Tronchets (1912 m), une descente assez longue et en terrain varié avec des sections assez pentues, et qui m'a permis de rattraper et doubler pas mal de monde. Malheureusement, tout a une fin, après la pluie vient le beau temps, et après la descente vient LA côte, le morceau de bravoure de cette course: l'ascension du Grand Aréa qui culmine à 2869 m. Hé ouai ! il reste encore 960 D+ à bouffer !! Avec tout de même encore un ravito (le dernier) qui se trouve sur le parking coté 2172. Donc premier objectif: glou et miam ! A priori il ne devrait pas être trop compliqué à atteindre: le chemin longe la route. BIM ! Encore une erreur ! Il longe la route UN CERTAIN TEMPS ! En fait, nous empruntons même un morceau de route, "OOOOH du goudron, ça avance tout seul !!" oui, jusqu'à ce qu'un signaleur sadique nous fasse signe de monter sur le talus. Et ouai, là il n'y a plus de chemin, on monte droit dans la pente, au lieu dit Plainalp, là où la carte IGN montre un petit symbole de décollage de parapente ! Ce passage n'est pas très long, mais copieusement raide ! Certains montent tout droit, pour ma part je préfère dessiner de jolis zig-zags pour couper la pente. Juste devant moi, une fille de rose vêtue, monte sans bâtons, elle grimpe 10-15 mètres, s'arrête pour reprendre son souffle et lorsque j'arrive sur ses talons, elle repart. La manœuvre a été répétée à 5 ou 6 reprises. Enfin la pente se couche (c'est comme ça qu'on dit en montagne), nous retrouvons un sentier, plat, la traileuse rose redémarre en courant, bon, ben moi aussi !! On retombe sur la route, 30 m de goudron, je double la traileuse, j'arrive au ravito et, vous le verrez sur la photo prise par Véro: elle repart d'un bon pas alors que je suis encore en train de faire remplir mes flasques !! Je ne la reverrai plus !

Elle porte le dossard 1571, il s'agit donc de Sandrine Duguay, elle franchira la ligne d'arrivée en 11h45, soit 3' avant moi. En septembre 2019, elle a couru les 360 km de la Swisspeaks (et 26500 D+) en 153 heures ! Et l'Échappée Belle 2018, et l'UMB 2017 en 38h34. Tout le contraire d'une débutante donc. Pour elle 56 km c'est un échauffement. D'ailleurs dès mardi (le surlendemain de cette course donc) elle a fait 17km et 1400 D+, en 4h05. (Moi, le mardi, j'ai fait la sieste !). Sur ce Grand Tour des Cerces, elle est partie très prudemment: au 10ème kilomètre, elle était classée 279ème en 2h05, soit 15' derrière moi !

Au ravito, Véro m'attend, Endy est là aussi, je m'assois à une table de pique-nique et je refais le plein: eau, TUCS, chocolat. Je repars avant d'être trop refroidi.

C'est parti pour les derniers 700 D+. L'allure n'est pas fameuse, mais je n'ai aucune inquiétude: je sais que j'arriverai au sommet sans soucis. A partir de l'épaule à 2500 m, je rattrape quelques camarades encore moins frais que moi ! Puis c'est le sommet. Il faudra que j'y retourne parce que je n'ai absolument pas regardé la vue à 360°. Trop concentré sur mon gel "coup de fouet" pour ne pas en renverser !!

Cette montée au Grand Aréa, je l'ai faite à une allure de limace: d'après les temps de passages enregistrés par les organisateurs, entre Les Tronchets (1912 m) et le sommet (2869 m), j'ai mis 2h04. Si on enlève disons 14' d'arrêt au ravito, ça donne 1h50, pour 960 D+, soit 520 m/h, même si on tient compte des quelques portions plates ou descendantes, c'est vraiment pas rapide. Mais j'aurais quand même bien aimé connaitre mon temps entre le ravito et le sommet !

Au sommet, les bénévoles de l'orga. sont super sympas, ils nous encouragent, nous remotivent, nous annoncent qu'il ne reste que 7,5 km ! De mon côté je suis hyper confiant, j'ai découvert dans la descente précédente que finalement, sur cette fin de parcours, je descends très bien (pour moi) ce qui va me permettre de corriger un peu le tir de ma montée gastéropodesque (moi aussi j'ai le droit d'inventer des mots !). Allez, quelques centaines de mètres pour dérouiller les genoux et c'est parti, je rattrape, je double, je rattrape, je double, à chaque coureur dépassé c'est une pièce qui tombe dans la tirelire de mon moral, DING ! DING ! Le sentier est étroit mais bien roulant, pour un peu je dirais que "ça fonce". On arrive au col de Buffère (où l'on est passés ce matin) et cette fois, on y a droit à cette piste carrossable, les contrôleurs annoncent "plus que 5 km", le début de la piste est rempli d'infâmes caillasses mais c'est pas grave, d'ailleurs ça ne dure pas et la suite est vraiment roulante, mais attention tout de même à ne pas s'enflammer car tout à l'heure après les Tronchets, j'ai senti un début de crampe à une cuisse, ce serait ballot d'être obligé de s'arrêter si près de l'arrivée. "Cinq kilomètres": je repense aux nombreuses courses sur route ("hors stade" disait-on à l'époque) auxquelles j'ai participé il y a 25 ans !! Cinq bornes c'est rien, à l'époque je les courais en moins de 20 minutes.

Oui mais voilà, les organisateurs de cette course sont des sadiques, des vrais: à 4 kilomètres de l'arrivée, on quitte la piste pour plonger droit dans un pré, on tourne à droite, on franchit le lit du torrent du "Merdarel" (parfaitement bien nommé) et là on escalade un mur de terre, certes pas bien haut, mais quelle idée ??? Et là on enchaîne dans la végétation digne du maquis corse, des mares de boues (pour contenter les coureurs belges ?? car il y en a !), et un sentier monotrace dont l'unique ornière est remplie de grosses pavasses instables. Là ce n'est plus Diên Biên Phu, c'est Verdun, la Bérézina et Omaha Beach réunies, il ne manquerait plus qu'on nous tire dessus !!! Évidemment sur ce terrain, je me fais rattraper et perds une place ou deux.

Enfin, le village. Joie. Sauf pour ce camarade, plié en deux au bord du chemin, en proie à de gros soucis gastriques. Joie donc. Une rue en faux plat montant: je marche (20 mètres). Des bruits de pas derrière moi, une vraie cavalcade ! Je redémarre le moteur en vitesse, et je mets les gaz, à l'époque des courses sur route, jamais personne ne m'a battu au sprint, JAMAIS ! Et c'est pas à 50 piges que ça va commencer !! La dernière rue avant l'arrivée est en pente raide, tellement pentue qu'elle est interdite (l'hiver) aux skieurs de fond ! Là ça fonce vraiment. Je passe tellement vite devant Véro qu'elle rate la photo !! Je rattrape un "couple" qui termine main dans la main, avec sur la tête un bonnet en forme de crabe. Le tapis rouge est là, je reste gentiment derrière eux, et termine en 11h48. Je suis 16ème dans ma catégorie (M3H, les 50-54 ans, nous étions 37 au départ, 27 à l'arrivée) et 195ème au classement général (sur 402 au départ et 317 à l'arrivée). Le vainqueur, Julien Michelon, du Team Salomon, termine en 6h20.

Après l'arrivée, je m'écroule sur un banc, puis sur une chaise longue. Je me sens vidé comme jamais, mais je n'ai pas réellement de douleurs. J'entends le speaker qui confirme la rumeur qui courrait (elle aussi) dans le peloton: c'est bien un parcours de 60 km, pas 56 !!
Je vais boire beaucoup (même un peu de coca, exceptionnel pour moi), manger pas mal aussi. Je vais cramper aussi, dans la baignoire (pas de douche dans notre appart-hôtel): les quadris, les deux en même temps, hyper douloureux, j'ai hurlé à la mort, Véro à du croire que j'agonisais !

Les souvenirs ne sont pas tout à fait aussi beaux que ceux de l'an dernier au Petit Saint Bernard, mais il faut dire que le versant sud du Mt Blanc en octobre c'est quelque chose !

Le gros point noir à améliorer pour la prochaine fois: les ravitos !!

 

À noter: Quelques jours après la course, le 17 septembre, les habitants du Monêtier ont pu observer un premier éboulement dans le secteur du Dôme de Monêtier. Un deuxième a eu lieu en décembre 2020. Ces éboulements compliquent l'approvisionnement en eau du village.
L'article à lire sur le site du Parc des Écrins.

Ci-dessous, la vidéo qui m'a fortement incité à m'inscrire sur CE trail plutôt que sur un autre (je me suis tout de même inscrit au TAR mais le tirage au sort n'a pas voulu de moi).

Encore une petite vidéo, sortie très récemment, qui montre Courtney Dauwalter qui fait l'assistance pour son mari qui court un 100 miles (alors que d'habitude c'est l'inverse). Celles et ceux qui le souhaitent peuvent mettre les sous-titres français ou anglais.

De cette petite vidéo (15'), je dois retenir deux choses:

1- "Start slow, then fade": démarre doucement, et ensuite ralenti !!

2- an ultra marathon is a distance where ... you find things going as you plan them and things going ... not at all like you plan them.

3- Notez que Courtney est une personne qui remercie son GPS !!

4- Véronique, regarde comment on encourage son coureur de mari !! (à 7'51) ... En fait Véronique a déjà des idées pour la prochaine course !!

Et enfin, voici les photos de l'été, et du trail de Serre Chevalier !

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Je ne suis pas un photographe professionnel. J'ai un métier que j'exerce à temps complet. Je suis simplement un "photographe randonneur" passionné de montagne et de nature, la photographie est un loisir que je pratique pendant mon temps libre, en pur amateur. Photographier des animaux sauvages exige de passer beaucoup de temps sur le terrain.

 

Néanmoins je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et à vos demandes aussi rapidement que je le pourrai. N'hésitez pas à me contacter:

 

lemonde.denhaut@mail.fr

Les photos et les textes présentés sur ce site ne sont pas libres de droit. Leur reproduction sans autorisation écrite de leur auteur est interdite, quel que soit le support. Merci de respecter la passion de l'auteur, le temps passé sur le terrain, les heures de marche, le temps passé devant l'écran et l'investissement dans le matériel.