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Le temps des chamois

Ça c'est vraiment passé comme ça !

Ce samedi matin, dès la sortie de la forêt, le haut de la montagne est tout blanc, et silencieux. Il a neigé. Pas beaucoup, quelques centimètres seulement dissimulent les plantes et les herbes. Un chamois vadrouille entre les petits épineux épars. Elle est chouette cette allitération, surtout en temps de propagation de virus: "petits épineux épars". Digression close, fermons la parenthèse !

La météo est un peu capricieuse. Il fait beau mais des bancs de brume vont et viennent, passent et repassent devant le soleil et bloquent le thermomètre sur des températures qui n'incitent pas à ôter la doudoune. En voilà une belle phrase de trois lignes - Proust et Balzac n'ont qu'à bien se tenir ! - alors que deux mots suffiraient amplement: ça caille !

Comble de l'ironie, si le soleil est trop faiblard pour percer la brume, il parvient néanmoins à faire fondre la neige qui recouvre le rocher qui surplombe ma tête (car oui je me suis posté sous un rocher) ... ploc ... ploc ... plic ... l'eau de fonte goute sur le bonnet, sur la nuque ... le supplice du robinet en étant SOUS le robinet !  

Après de nombreuses hésitations, je décide de forcer le destin. Tant pis si les animaux arrivent maintenant ! Je joue: on va voir tout de suite de quel côté tourne la chance. Je me lève et je vais me dégourdir les pattes le long de la ligne de crête. Pour un photographe animalier, c'est le summum de l'action débile: j'étais bien planqué, immobile, fondu dans le décor, tout le monde avait oublié ma présence, j'étais là sans être là ! Et d'un coup, je sors de ma cachette et je vais exposer ma silhouette bipédique sur la place du village, là où tous les animaux du secteur pourront me voir et m'identifier. Oui d'accord c'est très crétin, MAIS: 1- je me réchauffe, et 2- c'est très bon pour mon moral, le moral étant la pièce maîtresse de tout bon "photographe animalier-traileur".

Je déambule donc sur le fil de mon arête, lorsqu'un aigle passe, pas très loin, à ma hauteur et côté nord. Il ne s'arrête pas, il ne tourne pas, il file tout droit, il change de montagne. Une poignée de minutes plus tard, une petite troupe de biches, peut-être avec un cerf (je n'ai pas les jumelles), traversent le couloir, beaucoup plus bas, et filent à couvert dans la forêt. Hé bien voilà ! Les animaux commencent à bouger, à midi ! c'est pas trop tôt ! Tu parles d'une grasse matinée ! Et moi qui suis levé depuis 5h ! Bien, donc je retourne m'assoir fissa. L'attente reprend. Un certain temps. ... Un temps certain ! Bon OK ils m'on assez pris pour un couillon, je retourne me coucher au chaud sous la couette.

Ils sont très finauds ces chamois. Tous les chasseurs vous le diront. Donc ça suffit, je range. J'attrape le sac à dos, je l'ouvre. Un dernier coup d'œil sur la crête, au cas où, sait-on jamais.

Non mais. Regarde moi le celui-là !! Tran-quille. "Bonjouuuuuuur". 12h53 !!!

Le premier chamois passe la ligne de crête presque devant moi, un peu plus bas. Il en viendra d'autres. Le gros de la harde se positionnera une petite centaine de mètres plus bas. Quelques uns resteront en face de moi, des jeunes de l'année avec la "troupe féminine". Certains se coucheront, d'autres iront brouter l'herbe découverte par la neige qui a commencé à fondre. Une trentaine de chamois en tout. La ligne de crête se trouve à 90 mètres de moi. Au plus près, ils s'approcheront jusqu'à 50-60 mètres. Dernière photo à 15h42. Presque trois heures au milieu des chamois ! Une excellente journée finalement !

À noter: les photos deux et trois (surtout la deux) sont une "image-hommage" à Samivel, l'écrivain-aquarelliste-cinéaste dont les cendres ont été dispersées là-haut, sur cette montagne, "au royaume des aurores intactes et des bêtes naïves."

Et ce "sommet glaciaire" évoque aussi toujours pour moi, surtout lorsque la brume est présente, la baleine blanche du roman d'Herman Melville.

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