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UTMB 2022 - Les Bras de fer

Passes d'armes chez les filles, mano a mano chez les gars. Cette année en tête de course, il y a eu bagarre.

Les années précédentes, Katie Schide avait l'habitude de partir prudemment, et ça ne lui réussissait que moyennement: l'an dernier elle s'est classée 8ème féminine en 27h39. Cette année: ras le bol de la prudence, Katie a décidé de foncer, dès le départ. Si on compare les temps de passage de Katie 2022 à ceux de Courtney Dauwalter 2021 (1ère féminine, 7ème au scratch en 22h30), hé bien Katie passe avec 9' d'avance à St Gervais, 17' d'avance aux Contamines, 16' à la Croix du Bonhomme, 18' aux Chapieux, 17' au col de la Seigne, et 22' d'avance à la sortie de Courmayeur.

À la "base vie" de Courmayeur, la Katie 2022 met 1h10 dans les gencives de Katie 2021 ! Évidemment à cette allure, elle mène la course féminine. Cette année c'est elle la patronne. Néanmoins, une petite canadienne la suit à distance: Marianne Hogan, après être elle aussi partie un peu plus vite que Courtney, jusqu'à Balme, lève un peu le pied pour arriver à Courmayeur 1' plus tôt que l'Américaine en 2021. 

À la sortie de Courmayeur, Katie Schide possède donc une avance presque confortable de 18 minutes sur sa poursuivante. Mais, dès ce ravitaillement en pleine nuit (à 4h du matin), la tendance s'inverse: en effet Katie Schide prend le temps de changer de chaussures et de chaussettes, de t-shirt, elle s'alimente assez peu, et fait les choses dans le désordre (installe sa frontale AVANT le changement de t-shirt ce qui est une erreur, le gars qui l'assiste installe sa frontale à l'envers ... au final elle passe 8 minutes dans cette "base vie" (sans manger vraiment), alors que Marianne Hogan n'y passe que 4 minutes, et gagne donc ainsi 4' sans effort, sans aucune dépense d'énergie: quatre minutes "cadeau" !

On peut voir tout le détail des ravitaillements des premiers coureurs sur cette vidéo (Katie Schide à 14'20, et Marianne Hogan à 22'30). Et à partir de là, la Canadienne inverse la vapeur et reprend du terrain très régulièrement. À Arnouva, Katie est prise de vomissements ("a puke party" selon ses propres termes ici à 3'40, ce qui ne lui était jamais arrivé en course), probablement occasionnés par une bouteille de coca un peu trop gazeuse (et sans doute aussi par le froid, qui a tendance à crisper tous les muscles y compris ceux du ventre). Heureusement Sébastien Camus (7ème de la TDS 2022) se trouve sur le bord du chemin juste à cet endroit, il la rassure et lui conseille simplement de mettre sa veste pour se tenir au chaud, et de repartir. Au Grand Col Ferret, Katie conserve seulement 17 petites secondes d'avance sur Marianne. À ce moment de la course, elles ont 7' minutes d'avance sur le chrono 2021 de Courtney Dauwalter. Dans la descente Marianne double Katie, et prend une petite avance: 7' à la Fouly, 8' à Champex, mais elle craque et passe à La Giète 2' après Katie qui a mangé des sandwichs au fromage et retrouve toute son énergie. Mais par rapport au temps de passage 2021 de Courtney Dauwalter, Katie accuse maintenant 12' de retard. Un retard qui ne fera qu'augmenter jusqu'à Chamonix. 

Après la Giète, Katie ne cesse d'accroître son avance sur Marianne (tout en perdant beaucoup de temps sur Courtney 2021): 11' d'avance à Trient puis 47' à la sortie de Vallorcine, 1h10 à la Flégère (où Katie arrive en saignant du nez !) et 1h16 à l'arrivée à Chamonix. Katie boucle l'UTMB en 23h15, elle améliore donc son chrono 2021 de 4h25, ce qui est phénoménal !

Dans cette vidéo, à 19'59, Marianne arrive au ravitaillement de Trient et il est flagrant qu'elle n'est plus en très grande forme: elle boîte un peu, sur le goudron elle marche (alors que Katie courait), elle fait des étirements (des psoas sans doute ?), et son visage est éloquent (malgré ses énormes lunettes de soleil): la douleur est grande. Malgré tout, elle s'alimente, et repart. À Vallorcine (22'46), c'est pire. Mais elle repart encore. Et conserve sa deuxième place à Chamonix, au courage.

Katie a montré un talent immense, Marianne un courage sans limite.

Quelques jours plus tard, j'ai trouvé cet article: c'est bien le psoas gauche qui faisait souffrir Marianne.

Extrait (en VO): "I had 45 km to go, and I was walking up a hill and then had this searing pain in my left leg. It was probably from overuse.” (Hogan broke her right leg four years ago and now puts more weight on her left side.) The more I ran on it, the harder it was to finish, but never for a split second did I consider stopping. All I wanted was to keep my second position. When things got rough, I was ready to get the job done regardless of what it took. I knew finishing was still in the capacity. I am currently out for 6 weeks off running, says the doctor."

Katie est connue pour être une de ces traileuses / traileurs qui sourient en permanence (comme Sangé Sherpa) et donnent l'impression qu'on peut courir tout un UTMB dans la joie et la facilité. MAIS cette fois-ci, elle est partie sur un rythme élevé. Dans son interview d'après course, elle dit que son objectif était de rallier l'arrivée avant la nuit, certes, mais à l'arrivée, elle remporte la course. Et ce qui se lit sur son visage et dans son regard, sur mes premières photos, entre St Gervais et Les Contamines, c'est la détermination, la concentration, l'application, l'envie de faire autre chose que de la figuration. Une Katie Schide combative. Mais une seconde après, elle détecte ma présence sur le bord du sentier, et instantanément, le sourire revient, tout naturellement.

Dernière photo de Katie: sur la passerelle des tennis, à l'entrée de Chamonix, début de la "balade du bord de l'Arve", tout sourire évidemment, coup d'œil sur sa droite, Katie savoure à l'avance, non pas la victoire (pas encore, ce sera dans quelques minutes), mais son entrée sur la scène, ou plutôt: la traversée de la salle de spectacle (le centre ville) jusqu'à la scène (l'arche d'arrivée), sous une avalanche d'applaudissements, une hola, des dizaines de mains tendues.


Chez les garçons maintenant.

Vous ne pouvez pas ne pas le savoir, tous les médias en ont parlé. Killian et Mathieu Blanchard (je pense qu'il s'est fait un prénom et que dorénavant on l'appellera simplement Mathieu) ont couru, pour la première fois de l'histoire, le parcours complet de l'UTMB en moins de 20 heures !

Sur les 35 derniers kilomètres, ils étaient seuls au monde, tous les deux sur une planète qu'eux seuls connaissent.

Mais ce serait mentir et tronquer la course que de résumer cet UTMB 2022 à cette bataille des 35 derniers kilomètres entre la légende vivante du trail et ce Mathieu qui était monté sur la troisième marche du podium l'an dernier.

En effet, au départ, d'autres coureurs visaient la victoire ou une place sur le podium:

- Commençons par le plus connu, bien qu'il n'ait jamais remporté cette course: Jim Walmsley est "mondialement célèbre aux États Unis". Outre Atlantique, il a tout gagné, mais la "course de quartier" de Chamonix (dixit Les Genoux dans le Gif) lui a toujours échappé. Chez nous il est surtout réputé et parfois gentiment raillé pour ses départs excessivement rapides et ses accélérations brutales suivies de ralentissements tout aussi violents. Au point que l'expression "Faire une Jim" est passée dans le langage courant du trail. Lors de l'UTMB 2021, il n'avait même pas réussi à franchir le Grand Col Ferret. Alors, comme il est têtu et qu'il rêve de gagner l'UTMB, il a décidé de se donner les moyens de réaliser son rêve, c'est à dire: apprendre à courir dans nos montagnes, à utiliser des bâtons, à économiser son énergie (au moins un petit peu), et donc, avec son épouse, ils ont quitté le pays de l'oncle Sam pour venir s'installer dans le Beaufortain, pas très loin de chez son pote François (celui qui a déjà gagné quatre fois l'UTMB et qui fait du vin !). Évidemment ses sponsors nous "vendent" l'histoire sur Youtube, et ce petit film de 16 minutes  donne une image touchante de notre Jim, "la grande tige de Flagstaff" comme on l'appelait: lui qui semblait un peu arrogant et à côté de la plaque, parait en réalité réservé et timide, conscient de ses faiblesses et de ses lacunes et suffisamment humble pour accepter, malgré son palmarès de champion, de "retourner à l'école" pour apprendre des "trucs basiques de randonneur" comme: pousser sur ses bâtons.  

Prenez l'expression "Faire une Jim", mettez là dans la bouche d'un coureur facétieux (Ludo Pommeret lors de la Diagonale des Fous 2021, qu'il a remportée ex-aequo), donnez la scène aux auteurs des Genoux dans le Gif, et voilà le résultat.

 

(Pour celles et ceux qui ne connaissent pas Ludo Pommeret, il faut savoir qu'il est mondialement célèbre pour son attaque talon absolument magistrale)

- Un autre Américain sera sur la ligne de départ: Zach Miller.
L'exact opposé de Jim: plutôt petit, trapu et costaud. Si Jim est connu pour partir vite et ne pas finir, on adore Zach pour ses sprints de fin de course: c'est plus fort que lui, dès qu'il aperçoit la ligne d'arrivée, Zach sprint comme si sa vie en dépendait, même s'il arrive avec 10 minutes d'avance sur ses poursuivants ! Jim court pour les couleurs de Hoka One One, Zach est sponsorisé par The North Face. Depuis l'UTMB 2019 où je l'avais aperçu en ville, Zach a subit une intervention chirurgicale à un pied. Mais en juin dernier, il a participé à un trail de 105 km en Andorre, et il l'a remporté avec 8 minutes d'avance sur le second, et ... regardez son sprint !

Et surtout, regardez ce portrait qu'en dresse Simon Dugué, je vous le recommande chaudement. Ensuite, vous pourrez visionner ce documentaire de Billy Yang (38 minutes).

Ci-dessous deux images de Zach Miller: Zach le champion, et Zach le gars super gentil, ultra simple et cool.

- la première est extraite du film de Billy Yang (à 15'56): le gars en veste et capuche jaune dans le public c'est moi ! C'était à l'arrivée de l'UTMB 2017, sous des trombes d'eau. Zach termine 9ème.

- la deuxième est une photo prise par Véronique avec son petit appareil de poche dans le centre de Chamonix, en 2019: j'avais repéré Zach dans un groupe, en train de manger une glace. Pendant qu'il finissait sa glace, je suis allé acheter une carte postale pour lui demander ensuite un autographe, et Véronique a pris cette photo souvenir !

- Pau Capell sera là aussi. Le vainqueur de 2019.

On parle de Pau Capell ? Bon, allez, on en dit deux mots: Pau Capell a UN objectif: passer sous la barre des 20 heures. Il a déjà tenté le truc en 2020, mais la course ayant été annulée (cause Covid) il courait donc sans opposition, uniquement contre le chronomètre, avec l'assistance de son équipe, sponsorisé par The North Face. La météo était mauvaise, il avait échoué.
Pendant la semaine précédent la course, avec Véronique, à Chamonix, nous avons vu un bus, ressemblant beaucoup aux bus des équipes de foot ou des équipes cyclistes sur le Tour de France, avec, écrit en très grosses lettres: "The North Face & Pau Capell project: Breaking 20" ! 

Pau relance donc le défi en 2022. Et pour cela, il s'est préparé spécialement, spécifiquement. Pour courir plus vite. Alors que Jim essaie de ralentir son tempo, Pau cherche à accélérer. Pour cela, il est allé s'entraîner à Iten, au Kenya, avec le marathonien Eliud Kipchoge. Iten, c'est la Mecque des marathoniens, de très nombreux coureurs européens s'offrent des "stages" là bas, pour aller courir "à la mode kenyane", avec les Kenyans. On peut trouver de nombreuses vidéos sur le net, montrant de l'intérieur ces fameuses séances d'entrainement des coureurs kényans qui sont toujours merveilleusement impressionnants. Évidemment, ce "stage" de Pau Capell au Kenya a donné lieu à un film (de 38 minutes): Road to breaking 20. On peut aussi parcourir un court article ici.

Je ne ferai pas de présentation, même courte et rapide, de tous les outsiders, je vais me contenter de citer quelques noms: Germain Grangier, le compagnon de Katie Schide qui s'est classé 5ème l'an dernier, Hannes Namberger (6ème en 2021), un Grand Breton du nom de Evans Thomas, Thibaut Garrivier, Benoit Girondel (deux fois vainqueur de la Diagonale des Fous dont une fois main dans la main avec François D'Haene), Beñat Marmisolle, Maxime Cazajous, une armada de cinq coureurs chinois, et beaucoup d'autres.

Un certain nombre de ces coureurs me touchent beaucoup. Non pas parce qu'ils sont de grands champions, ou parce que leur palmarès est impressionnant, non, ce qui me touche c'est leur humanité, le supplément d'âme que la pratique de ce sport permet de révéler et de mettre en lumière. Un seul petit exemple: si on regarde bien le film de Billy Yang: à 26'33 vous ne reconnaîtrez peut-être pas ce coureur en bonnet noir et maillot noir qui aide Zach à "bricoler quelque chose avec son sac à dos" (tout en mangeant quelque chose) au ravitaillement des Contamines. Hé bien c'est tout bonnement Killian Jornet, un des principaux concurrents de Zach.

Vendredi, 18h00: le départ est donné.
Avec Véronique, sa sœur et sa petite chienne "Pop", nous attendons les premiers coureurs entre St Gervais et La Gruvaz, au sommet d'une petite côte. 20h06: Jim passe en tête, suivi de près par Killian et Zach. Ensuite, beaucoup de coureurs passent tellement vite que je n'ai pas le temps de les reconnaitre et de les photographier. 20h11: passage de Mathieu Blanchard suivi d'un coureur Hoka (Thibaut Garrivier, résumé de sa course sur cette vidéo). Katie Schide passe à 20h18 avec Benoît Girondel et Maxime Cazajous sur ses talons. Sangé Sherpa passe trois minutes après, tout sourire, on dirait qu'il rigole. Ce gars est né en souriant !

Après ce hors d'œuvre nous reprenons la voiture pour filer à Notre Dame de la Gorge et participer à l'ambiance de folie qui règne traditionnellement au début de la Voie Romaine. Hélas, cette année, la route des Contamines a été fermée aux voitures au niveau du pont des Crouets à La Gruvaz, c'est à dire à 6 km de Notre Dame de la Gorge ! Seuls les bus de l'UTMB peuvent passer, ils sont tous complets, il fallait réserver ses places la veille (au minimum) et je ne le savais pas. Seulement quelques personnes (sans doute des "assistants - ravitailleurs") partent à pied, au pas de charge en direction du village des Contamines. Toutes les voitures font demi-tour.

De retour à l'appartement, j'ai cherché les infos: le ticket "speedy line" pour ND de la Gorge coûte 10 €.

Deux lignes pour évoquer les tarifs de la "course de quartier de Chamonix":

- Prix du dossard UTMB: 305 €

- Prix du "forfait mobilité" pour accéder à tous les points de ravitaillement sur le parcours (obligatoire pour tous les "assistants - ravitailleurs" puisque certains points sont inaccessibles en voiture): 45 €

Ce qui met l'ensemble à 350 €, soit quasiment 25 % d'un smic net.

Cette année, à Notre Dame de la Gorge, Hoka (la marque américaine de chaussures et vêtements de trail) avait installé un "tunnel lumineux" sur la route qui conduit à l'église de Notre Dame de la Gorge, route bordée de petits calvaires. Dans cette vidéo on en aperçoit un devant Zach, à 0'19. Vous remarquerez que l'entrée de ce machin publicitaire géant a été installée à moins de 10 mètres du parking habituellement utilisé pour garer les voitures des nombreux supporters qui venaient encourager les coureurs sur le bas de la Voie Romaine. Les années précédentes, entre le village des Contamines et Notre Dame de la Gorge, les coureurs empruntaient le chemin, en rive droite du Bon Nant. Cette année, sans doute pour satisfaire Hoka, l'organisation a fait passer les coureurs par la route, en rive gauche du torrent. Et donc, la route a été fermée à la circulation. Évidemment, d'après le discours des organisateurs, cette route a été fermée (et en partie "privatisée pour Hoka") dans l'unique but de réduire l'impact carbone de cette méga-organisation sportive.

Le slogan de Hoka pourrait être celui d'une compagnie aérienne: "fly human fly", leur logo représente un oiseau avec de grandes ailes, et il se trouve que c'est la marque qui sponsorise Jim Walmsley. Dans cette petite vidéo, vous verrez passer dans ce fameux tunnel publicitaire, par ordre d'apparition, Zach, puis Jim, talonné par Killian.

Il en est UN (est-il le seul ? je ne le sais pas) qui a osé évoquer sur les réseaux sociaux, de manière implicite et un poil ironique, le caractère un tantinet "inapproprié" (comme disent les anglo-saxons), ou disons, pas très cohérent de cette installation publicitaire avec, je cite: "l'authenticité du milieu montagnard": c'est Xavier Thévenard, tout de même triple vainqueur de l'UTMB. Et malgré son palmarès, j'ai l'impression qu'il ne s'est pas fait que des amis avec cette petite phrase (en tout cas, pas chez U-trail ... ).

Allez, je vais plonger dans la baston et dire ce que j'en pense de ce tunnel, un blog c'est fait pour dire ce qu'on pense ! Donc, "à titre personnel" (comme dit la personne de chez U-Trail), je suis étonné que ce tunnel lumineux n'ait pas provoqué de "puking party" comme dit Katie ! Et je trouve aussi dommage que la société de l'UTMB soit autorisée à transformer une partie de l'espace public en espace publicitaire géant, même dans un fond de vallée à 1100 m d'altitude. Que vont-ils inventer l'année prochaine, pour les 20 ans de l'UTMB ?? Et je suis aussi assez curieux de savoir ce qu'en pensent les gendarmes, très professionnels, et toujours courtois, qui ont passé leur soirée au pont des Crouets, à refouler des automobilistes forcément un peu mécontents. Les gendarmes, fonctionnaires d'État, tenus au devoir de réserve, ont bossé ce soir là, pour Hoka et pour la société de l'UTMB, "gratuitement" bien sûr. Je mets des guillemets sur "gratuitement" parce que, évidemment, les gendarmes sont payés, par l'État, en théorie pour servir l'intérêt général et non pas des intérêts privés.

Voilà, donc cette année: pas de photo de la montée de la Voie Romaine sur ce blog.

On passe directement au samedi matin. Petit-déjeuner, et un rapide coup d'œil au "Live" pour avoir un point de la situation: Dès les premières images, on dirait que quelque chose est en train de se produire: au ravitaillement de Champex-Lac, Jim est passé seul en tête avec 13 minutes d'avance sur Killian, 15' sur Mathieu, et 31' sur un duo composé de Zach et le Britannique Thomas Evans. On se souvient que l'an dernier Mathieu avait fini en trombe pour terminer 3ème, alors qu'il n'était que 6ème à Courmayeur. Il est donc capable de finir très fort. La (demi)-surprise c'est que Jim est en tête avec une avance assez confortable. En 2021, à Champex-Lac, François n'avait que 11 minutes d'avance sur Aurélien Dunand-Pallaz, et François était passé en 14h45, alors que Jim passe à Champex en 13h53: il devance donc François de 52 minutes ! L'an dernier François était arrivé à Chamonix avec un chrono final de 20h46. À ce moment de la course, on comprend donc que Jim pourrait réussir le fameux défi de Pau Capell, et boucler sa balade autour du Mt Blanc en moins de 20 heures (Pau va abandonner à Champex-Lac, classé 21ème en 16h34).

MAIS sur les images de la montée sur l'alpage de Bovine, hélas, on voit bien que Jim n'est plus en très grande forme et que Kilian et Mathieu avancent bien plus vite que lui. À La Giète, c'est Kilian qui passe en tête, suivi de Mathieu à 2'10, puis Jim à 17', puis Zach et Thomas Evans à 30'. Visiblement Jim s'est effondré. Écoutez cet entretien (à 35'05) dans lequel Mathieu raconte comment Kilian et lui ont rattrapé puis doublé Jim. La phrase est lancée: Il a fait "une Jim". À mettre en parallèle avec cette phrase de l'épouse de Jim à la fin de ce petit film (à 14'43): "I usually have a piece of advice I give him, and it's: Jim, don't be Jim". Et voilà, il tenait la première place et le chrono "sub-20", il l'avait dans la main, et puis patatras, il a craqué et maintenant il s'écroule. Avec Véronique, nous sommes tristes et malheureux pour lui.

À partir de là, la victoire va donc se jouer entre Kilian et Mathieu. Lequel des deux va craquer ? Lequel des deux va réussir à décrocher son adversaire ? On pourrait penser que Mathieu puisse être impressionné par la légende de Kilian, et se contenter de le suivre gentiment jusqu'à Chamonix pour finir main dans la main, pourquoi pas ? cela c'est déjà vu. Mais pas du tout, il est hyper déterminé le "petit" Mathieu, il est là pour tout tenter, et sa compagne Alix est là aussi pour le relancer à chaque ravitaillement, car après La Giète, les ravitaillements s'enchaînent assez rapidement: à Trient, puis à Vallorcine, et encore un autre à La Flégère (où les champions passent sans s'arrêter). Poursuivons l'interview de Mathieu Blanchard qui va nous expliquer, ici à 30'28, et là à 39'10, toute l'importance des ravitaillements dans son duel contre Kilian.

Trois exemple en image: regardez comment sa compagne Alix (en T-shirt bleu), "attrape" Mathieu lorsqu'il arrive dans la salle de ravito, pour le conduire (ou le tracter plutôt ??) jusqu'à la table, sans perdre une seconde: l'importance réelle de ce geste est beaucoup plus psychologique que réellement chronométrique: d'abord à Courmayeur, puis à Champex Lac (totalité du ravitaillement), puis à Trient, où Mathieu raconte qu'il est arrivé en larmes en pensant que la course allait lui échapper suite à sa descente trop rapide (= destructrice pour les quadriceps) des énormes marches entre le col de la Forclaz et Trient. Vidéo du ravitaillement de Trient, vu de l'intérieur: Kilian discute paisiblement avec le gars qui lui pique le doigt, lorsqu'Alix hurle "Allez Mathieu" !

Concernant Kilian, vous allez voir qu'à chaque ravitaillement, quelqu'un (un soigneur j'imagine ?) vient le piquer à un doigt, pour lui prendre sa glycémie: à Courmayeur, à Champex Lac Kiki se fait piquer le doigt pendant qu'à l'arrière plan Alix attrape Mat par la bretelle de son sac. Même protocole à Trient et à Vallorcine.

Concernant Jim: regardez seulement comment il descend les escaliers à la sortie de Trient. Quand à Zach, à Trient il est avec le britannique Thomas Evans.

Peu après Vallorcine, Kilian accélère, Mathieu ne peut pas suivre et tente de limiter la casse au maximum. Je suis au bord du chemin, avec mes appareils photo, Véronique et sa darbouka, sa sœur et nos deux chiennes, entre Le Buet et le col des Montets. Petit signe de la main de Kilian et de Jim, à destination de Véronique. J'ai raté le passage de Thomas Evans qui a décroché Zach. Chez Zach, tout est dans le regard.

La suite est mondialement connue: Kilian s'envole vers la victoire, pulvérise au passage la barrière des 20 heures (19h49'30), Mathieu malgré tous ses efforts ne parvient pas à le rattraper mais passe aussi sous les 20 heures (19h54'50). Thomas Evans complète le podium. Jim et Zach obtiennent leur meilleur résultat jusqu'à présent sur un UTMB: 4ème pour Jim (21h12) et 5ème pour Zach (21h27). 

Juste un petit paragraphe sur le coureur le plus souriant de tout le peloton: Sangé Sherpa. Il se classe 125ème en 29h01. Mais il faut savoir que Sangé a énormément couru (jusqu'à ce dimanche 11 septembre) cet été:

Le 18 juin il se classe 3ème de l'Utra Trail du Puy Mary Aurillac: 105 km, 5 500 D+, en 13h45.

Tout début juillet il remporte le Québec Méga trail (160 km, 6 500 D+ , en 19h15). Le week-end suivant il tente d'enchaîner avec l'X-Alpine: le grand parcours de 140 km du trail de Verbier St Bernard, mais il abandonne au ravitaillement du col de Mille, après 100 km (il en restait 40).

La semaine du 23 au 31 juillet, il participe à une course dantesque: Crossing Switzerland, entre Vaduz et Montreux: 390 km et 24 000 D+, et se classe 2ème en 90h54.

Le 20 août, en guise de préparation à l'UTMB, il remporte le grand trail de l'Izoard (70 km, 5 000 D+ en 9h46).

Juste après l'UTMB, le 2 septembre, il court les 170 km de la Swiss Peaks (11 500 D+), où il termine 2ème en 32h47.

Et ce week-end (hier 10 septembre) il est monté sur la troisième marche du podium du Wildstrubel 108 km (et 6 000 D+), en 12h52.

Soit sur le dernier mois: 4 ultras, 3 podiums !

Question subsidiaire: combien de paires de chaussures a-t-il usé entre le 1er juillet et le 11 septembre 2022 ?

Un petit mot aussi à propos de Courtney Dauwalter:

Du 30 août au 1er septembre, aux US, elle est partie à l'assaut d'un FKT (= Fastest Known Time, en français: un chrono !), sur un itinéraire qui porte le nom de "Collegiate Loop" (dans le Colorado): 160 miles (= 257 km) et 10 000 D+. Résultat: elle a bien remis les pendules à l'heure: Avant elle, le meilleur temps féminin était détenu par Annie Hughes en 61h19, et le chrono masculin appartenait à Nick Pedatella en 46h48. Le chrono de Courtney ?? 40h14. Et voilà, ça c'est fait.

Avant cela, elle avait couru la Hardrock 100, où elle s'est classée 1ère féminine évidemment (en 26h44), et 6ème au scratch (hommes et femmes "mélangées"). Devant elle: Kilian en 21h36, François en 21h51 (gêné par des crampes d'estomac), Dakota Jones en 23h06, Daniel Jung (vainqueur ex-aequo de la Diagonale des Fous 2021 avec Ludo Pommeret) en 25h53, et Jeff Browning en 26h17. Deuxième féminine: Stéphanie Case (à découvrir un peu par ici) en 33h52 !

Et ce week-end, Courtney courait une course de 50 miles, en compagnie de sa maman ! Et toujours avec des chaussettes et un accoutrement absolument fantastique !

Enfin, l'UTMB, ce n'est pas QUE l'UTMB !

C'est aussi d'autres courses:

- La TDS par exemple, plus dure que l'UTMB, et remportée cette année par l'inusable Ludo Pommeret et Martina Valmassoi.

- La CCC, une course rapide de 100 km remportée par Blandine L'Hirondel, plus habituée aux formats "marathon" et qui a amélioré le record féminin (malgré une chute, une petite hypoglycémie et une vache d'Hérens sur le sentier), bien poussée par une petite Népalaise du nom de Sunmaya Budha, à découvrir un peu dans cette vidéo. Une arrivée pleine d'émotion.

La CCC 2022 c'est aussi une image du haut savoyard Thibaut Baronian en PLS (en vraie PLS, suite à un vrai malaise) sur le bord du chemin, suite à une énorme surchauffe.

Enfin, l'UTMB, c'est aussi des dizaines de photographes, éparpillés dans les montagnes. Je vous invite à aller découvrir les images de Jordi Saragossa, Alexis Berg (auteur de "Les Finisseurs, la Barkley racontée"), ou de Peignée Verticale.

En guise de conclusion, voici un petit florilège de ce que j'ai pu trouver sur Facebook:

Bonus du 15 septembre: la vidéo du dépassement de Jim par Tom Evans, dans la montée de la Tête aux Vents: cliquez sur la photo

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