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Le repos de l'ultra traileur

Petit retour en arrière:

Le dimanche 9 juillet, en début de matinée, je franchis la ligne d'arrivée de la Grande Traversée du Guillestrois Queyras, après 26 heures de course pour 100 km en montagne. Retour à l'hôtel, douche, collation, puis un peu de lecture en position allongée car je n'arrive pas à dormir. Dîner, suivi d'une bonne nuit réparatrice. Le lendemain lundi: retour à Passy, soit 5h30 - 6h de voiture. Mardi, mercredi, jeudi: au bureau en journées "allégées": je pointe aux environs de 8h - 8h15 au lieu de 7h30 habituellement. J'ai aussi vu Johann (mon kiné) à deux reprises: dès lundi soir puis le jeudi (ou le mercredi), un immense merci à toi pour ta super disponibilité. Vendredi c'est le 14 juillet et le début des vacances !

Dès le samedi 15, je rechausse les baskets pour un petit tour de 50 minutes à allure réduite mais tout de même en trottinant doucement la totalité de la côte de La Motte (50 m D+ pour 700 m de distance en 5'40). Dimanche: repos.

Et lundi on charge la voiture pour filer en Provence, pour une semaine de grasses matinées et de farniente.

Dimanche 23 juillet: trajet jusqu'à Fouillouse: c'est le hameau qui se trouve au bout de la route de la Haute Ubaye, en tournant à droite pour passer en rive gauche de l'Ubaye, par le pont du Châtelet qui surplombe le torrent de 108 m (pont qui fut miné en 1944 mais qui a résisté !).

Fouillouse, c'est un endroit que nous aimons beaucoup, Véronique et moi. C'est en altitude: 1900 m. C'est entouré de forêts de mélèzes et de pins, et de sommets qui culminent à plus de 3000 m. Beaucoup de randonneurs montent passer la nuit au refuge du Chambeyron, mais beaucoup d'autres dorment sous la tente autour du hameau. Il n'y a pas de réseau (il faut monter plus haut pour en trouver). C'est un peu la montagne et les montagnards de notre enfance. Et puis les chemins y sont beaucoup moins raides et plus roulants qu'en vallée de l'Arve. Les marmottes sont à moins de 500 m  de l'église. En fait, il y en avait même une que l'on pouvait voir depuis notre balcon. Et puis, à moins d'un kilomètre du village, il y a les sources de La Baragne, un vrai coin de paradis. Dès le dimanche soir après avoir posé les sacs et avalé le dîner, je suis allé y faire un peu de repérage, au crépuscule. C'est ma nouvelle méthode pour photographier les insectes, et surtout les papillons: je flâne les mains dans les poches, et je mémorise les endroits où les spécimens les plus intéressants vont passer la nuit. Le lendemain, à l'aube, ils n'auront pas bougé, je ne perdrai donc pas de temps à les chercher. Et tant que le soleil ne sera pas vraiment levé, ils ne bougeront pas. Avec un peu de chance, je peux même avoir quelques gouttes de rosée dans le décor.

Cette semaine: deux séances photos aux papillons; le lundi 24 (entre 6h15 et 7h00) et le vendredi 28, avec le 200 mm Fuji, et surtout le Lensbaby Velvet 85 mm que je commence à apprivoiser et qui donne aux images un aspect "velouté", une ambiance vaporeuse et éthérée.

Et puis, le mercredi 26 juillet, avec Véronique, nous avons randonné "en relais", sans nous concerter, de manière totalement improvisée: Véronique est partie très tôt le matin (avant même que je ne me réveille), pour monter au Lac des Neuf Couleurs (2840 m), non sans faire étape au refuge du Chambeyron (à l'aller et au retour). En milieu d'après midi je suis monté à sa rencontre pour l'alléger du poids de son sac. Nous avons dîné ensemble et puis à 21h20, je suis parti sur les mêmes chemins que Véronique: passage au refuge à 23h45 (fermé évidemment) et arrivé au Lac des Neuf Couleurs à 00h45. Je déballe le trépied et j'entame une longue série de "photos d'étoiles": les vraies dans le ciel ET leur reflet dans le lac. Entre les deux se dessine la ligne de crête du Pas de l'Infernet et de la Pointe du Fond de Chambeyron (3137 m), je suis positionné face à l'Est. J'utilise l'objectif le plus grand angle de ma panoplie: un 14 mm - f/2.8 (équivalent 21 mm) mais c'est insuffisant (je viens à peine de tester la nuit dernière, la nuit des étoiles filantes, mon tout nouveau Nisi 9 mm f/2.8) et je dois prendre de nombreux clichés en décalant mes angles de prises de vues, aussi bien horizontalement que verticalement. Ensuite, de retour à Passy, grâce à un logiciel, toutes ces photos sont assemblées pour n'en former qu'une seule.

C'est le même principe, à un tout petit niveau, que pour cette photo géante du panorama du massif du Mt Blanc, qui regroupe pas moins de 70 000 photos (vidéo sur Youtube).

Je repars du Lac des Neuf Couleurs à 02h15, après une séance photo de 1h30 que je n'ai pas du tout vu passer, totalement captivé et absorbé par le spectacle de la voûte céleste. Encore un arrêt-photo de 20 minutes au bord du Lac Long (2780 m), face au Sud-Ouest, et j'arrive à Fouillouse à 4h30 pour un énorme petit déjeuner bien mérité.

À noter: En montant, j'ai aussi fait une photo presque correcte de "la Grande Casserole", (c'est à dire les sept étoiles les plus brillantes de la constellation de La Grande Ourse, groupement d'étoiles que les anciens appelaient le Septentrion), même si Alkaid n'est qu'à 1 mm du bord de l'image (en haut à gauche). Photo prise "à la va-vite" à 23h11, à main levée avec le Laowa 33 mm - f/0.95, avec un temps de pose de 0,1 seconde, et à 3200 iso. Pour une photo vite faite, debout sur le sentier en ne voyant pas grand chose dans le viseur, c'est "pas pire".

Samedi 29 juillet, nous arrivons en Maurienne, aux portes du Parc de la Vanoise (qui fête cette année ses 60 ans d'existence, à cette occasion un petit court-métrage de 8 minutes est diffusé par Lapied Films, les images des Lapied se dégustent toujours avec plaisir).

Les deux premières semaines des vacances m'ont permis de bien récupérer et pendant cette troisième et dernière semaine, je vais faire deux belles randonnées de 14 km pour 960 m D+ et 19 km pour 1600 m D+, avec un "quasi sommet" à 3060 m: visite du vallon de la Fournache, du lac des Chaix (2870 m) à la Pointe de Bellecôte, dont j'ai ramené quelques photos (elles aussi compilées en format panoramique, mais sans correction de la courbure de l'horizon).

Véronique aussi s'offre deux randonnées "gastronomiques" dans l'un des nombreux refuges du secteur, dont parait-il le café gourmand serait "digne d'un salon de thé".

Mais surtout, pendant cette semaine en Maurienne, j'ai eu le plaisir de refaire quelques photos animalières, presque chaque soir, tout près du village, en bordure d'un grand pré que se partagent renards et lièvres. Le dernier soir, sous une petite pluie, seul un lièvre a bien voulu se mouiller.

J'ajoute que nous nous sommes aussi régalés des images du dernier film de la famille Lapied: "Sauvage. Le chamois l'aigle et le loup", malgré une scène franchement violente et cruelle.

Enfin, nous sommes aujourd'hui le 13 août et n'oublions pas que dans moins de 2 semaines aura lieu la grande kermesse du trail à Chamonix. Et même s'il est très probable que je ne ferai plus de course aussi longue que celle de cette année (ma curiosité et mon envie sont satisfaites), je reste néanmoins très enthousiaste devant les histoires qui s'écrivent chaque année sur les sentiers de l'UTMB.

Cette année 2023 s'annonce comme les précédentes, très prometteuse de belles bagarres et d'exploits:

 

- Chez les féminines, Courtney Dauwalter tentera la passe de trois après avoir déjà remporté cet été la Western States (6ème au scratch) et la Hardrock (4ème au scratch), passe de trois qui n'a encore jamais été réalisée ni par une femme ni par un homme. À priori Courtney ne devrait pas être inquiétée, sauf si la fatigue s'en mêle et/ou si son estomac lui joue des tours. Alors, qui de Ruth Croft, Eszter Csillag, Manon Bohard (3ème au championnat du monde d'Innsbruck), Martina Valmassoi (qui a remporté la TDS l'an dernier), Blandine L'hirondel (qui aura soif de victoire après son abandon sur blessure au championnat du monde d'Innsbruck), Marianne Hogan (2ème l'an dernier dans une souffrance immense), laquelle saura trouver les ressources pour tenter de jouer avec celle qui se montre absolument impériale sur l'ultra distance ? Je parie que Courtney fera plutôt la course avec les meilleurs hommes, et qu'il y aura certainement une très grosse bagarre pour la 2ème et la 3ème place ... sauf si Blandine est véritablement en super forme. Je lis ici que Mimmi Kotka devrait courir aussi. Par contre, à cette heure, Anne-Lise Rousset n'est pas inscrite. Elle avait réussi à courir quelques kilomètres devant Courtney au début de la Hardrock ... à suivre.

 

À propos de Marianne Hogan, il faut impérativement regarder ce reportage à propos de son année 2022 (Western States + UTMB), et notamment ce passage (à 1'29) qui mentionne sa fracture "en spirale" tibia + fibula. Tibia réparé à l'aide d'une quinzaine de vis. Pour retourner progressivement à la compétition, elle a ensuite servi de guide aux athlètes mal voyants de l'équipe para-olympique du Canada. Puis à 13'45 (c'est au milieu de la Western States), écoutez-la se dire "Hey Marianne it's time to play pac man, this is your time to shine". Ensuite, vous la verrez, après l'arrivée, d'abord allongée sous une couverture, puis marchant littéralement comme un canard tellement ses jambes sont raides, tout en expliquant que le 100 miles pourrait bien être maintenant sa distance préférée. Ensuite c'est l'UTMB qu'elle termine dans une grande douleur, mais en parvenant à conserver sa très belle deuxième place. Marianne, elle n'est pas bien grande, elle n'a pas une foulée aérienne ni la puissance de Courtney lorsqu'elle dépasse Mathieu Blanchard par exemple, Marianne semble avoir les pieds pas tout à fait parallèles, mais derrière ses petits yeux rieurs il y a un mental en titane, peut-être même en adamantium ! L'an dernier elle tentait le doublé Western States + UTMB. Cette année il y a fort à parier qu'elle arrive en grande forme au départ de l'UTMB. Et ça pourrait bien faire quelques étincelles. Et si vous êtes attentifs jusqu'au bout, vous entendrez que dans la douleur, au ravitaillement de Vallorcine, elle parle en français (ici à 38'18). 

 

- Chez les hommes, Killian n'a pas suffisamment récupéré après son aventure en Himalaya, il doit maintenant "faire passer" un œdème osseux au sacrum. Sera-t-il présent sur la ligne de départ ? Rappelons que l'an dernier, il a gagné la course, en faisant tomber le record sous les 20 heures, alors qu'il était positif au Covid. Je pense que Kilian pourrait faire l'UTMB sur une seule jambe et en moonwalk, et peut-être remporter la course.
Cet UTMB 2023 devrait théoriquement "être promis" à Jim. Jim Walmsley, l'Américain installé à Arêches Beaufort, près de chez son copain François. L'an dernier, il était parti pour gagner et puis boum dans la montée de l'alpage de Bovine, il a explosé en vol. MAIS il s'est accroché jusqu'au bout pour finir au pied du podium. Il en rêve depuis tant d'années. Cet hiver il a fait quelques course de ski-alpinisme. Il devient montagnard. Il est talentueux. Il va y arriver, un jour.

Mathieu Blanchard, 2ème l'an dernier, lui aussi en moins de 20 heures. Lui aussi veut sa victoire. Mais cette année, il a grimpé le Kilimandjaro, couru le marathon de Paris, le marathon des Sables, et sur la Western States il a sans doute été déçu de sa "non-performance" (7ème). Attention au lion blessé.

Tom Evans sera là aussi. Troisième l'an dernier. Et Zach Miller, 5ème en 2022. Et Thibaut Garrivier, 4ème du championnat du monde d'Innsbruck. Et Germain Grangier, vainqueur du 90 km du Mt Blanc fin juin, regardez-le déposer son adversaire au début de la montée du Montenvers. Ludo Pommeret (vainqueur de TDS 2022), Baptiste Chassagne (2ème de la 6000D fin juillet, et auteur d'une course de dingue à Innsbruck)) et Beñat Marmissole (2ème de la Hardrock le 14 juillet) seront aussi de la fête. Sans oublier Hugo Deck (3ème du 90 km du Mt Blanc), Peter Engdahl (vainqueur de la CCC l'an dernier) et le suisse Jean Philippe Tschumi.

Bref, encore une occasion de tenter d'aller faire de belles images de sport en montagne ... peut-être bien de nuit !

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